《Changement : Version Face [French]》Chapitre 4 : Nos ennemis

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Ma concentration est brisée par un clappement de mains de Karel. Je me retourne vers lui, et peut voir sur son visage de la joie, presque de la jubilation. Son sourire s’élargit encore, jusqu’à devenir presque un peu flippant, avant qu’il ne réponde, bien qu’involontairement, à mes interrogations.

-Bravo, tu viens de découvrir la maîtrise du Flux. Ce que tu as fait est très basique, mais cela fait de toi un Ange mineur de premier rang. C’était assez impressionnant, peu d’Anges y arrivent du premier coup, quelques jours après leur transformation comme tu l’as fait, donc vraiment, bravo à toi. Vu que tu as été si rapide, je pense qu’on peut en rester là pour aujourd’hui. Tu as beaucoup de retard sur les autres en termes magiques, mais rien qu’un cours accéléré ne saurait rattraper avant la fin de l’année. Et en terme d’histoire des Sonens, l’idéal serait que tu lise un maximum de livres pour rattraper tout ce qui te manque. Voici une liste des plus intéressant et important, par ordre conseillé de lecture.

Il me tend un bout de papier arraché d’un carnet, si l’on en croit les petits trous sur le côté de la page. Dessus, une liste d’une douzaine de livres, commençant par ‘Une fidèle histoire de la Lumière version vi’ d’un certain Arik'Tharet, dont le nom me rappelle celui de l’Immortel Faër’Tas qui était dans mon rêve. Probablement quelqu’un de la même espèce. Après celui-ci, plus d’une demi-douzaine de livres semblant traiter de sujets similaires, ainsi qu’une ‘Étude de la Grande Magie’ de Koelon Ekharion. Et un dernier livre portant le titre ‘Histoire objective du monde par un observateur extérieur, numéro 42’ sans nom d’auteur pour l’accompagner. À côté de ce dernier livre une petite annotation de Karel pour me prévenir : ‘À lire en dernier : auteur considéré comme proche des démons’.

Pour un livre se présentant comme écrit par un ‘observateur extérieur’ c’est un peu surprenant, et ça me donne plutôt envie de le lire.

-Merci, je vais essayer de me mettre à la lecture le plus vite possible.

-Bien. En attendant, tu es libre pour l’après-midi, essaye de trouver les autres, qu’ils te montrent un peu notre QG, et la ville tant qu’ils y sont.

-Très bien, merci monsieur.

Après l’avoir remercié une dernière fois, je m’empresse de quitter la pièce et de partir à la recherche du reste des anges. Je voulais plutôt revoir Sekir, Antoine et Élise, qui furent de loin les plus sympas avec moi.

Heureusement, je n’eus pas à les chercher pendant très longtemps, car Élise et Sekir m’attendaient, assis dans des fauteuils placé, par un heureux hasard, près de la porte de la salle dans laquelle Karel me donnait son cours. En me voyant sortir, ils se tournent vers moi en souriant, et se lèvent de leurs sièges, et Élise entame la discussion.

-Alors, ça c’est bien passé ? Karel n’a pas été trop dur avec toi ?

-Oui, enfin non, il a été sympa, et ça c’est assez bien passé, j’ai réussi à utiliser le… Flux ?

J’hésite quelques secondes avant de prononcer ces derniers mots. Cela semble si ridicule, de parler d’utiliser de la magie. Mais en même temps, c’est vraiment ce que je viens de faire. Je l’ai senti, à travers tout mon corps, et d’ailleurs, maintenant que j’y pense, je le perçois toujours vaguement tout autour de moi, sans même y réfléchir. C’est même un peu étrange que je m’y soit habitué si vite, en quelques secondes seulement.

Cette réponse me valut un sourcil levé de Sakir, qui ne se priva pas de m’interroger sur ma performance.

-Tu as réussi ? Du premier coup, en moins de trois heures ?

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Un peu surpris par sa question, qui suggère que l’épreuve était censé être plus dure qu’elle ne l’a été pour moi, je lui réponds honnêtement.

-Oui, pourquoi ? C’est rare ?

Élise soupire un peu, l’air dépité.

-Ouah, t’es vraiment fort, ça m’a pris presque deux semaines pour utiliser pour la première fois mon pouvoir.

-Élise a raison, c’est assez impressionnant, mais pas non plus incroyable. Ça m’a pris seulement cinq heures.

-Oui enfin Sekir, toi c’est de la triche, tu t’entraîne quasiment depuis ta naissance pour ça !

-Et alors, c’est aussi difficile pour tout le monde, comme les origami !

Élise donne un léger coup de poing sur l’épaule de Sekir.

-T’as pas le droit ça ! Ne l’écoute pas, Nils, Sekir est un abruti !

Sekir éclate de rire en se frottant l’épaule en faisant mine d’avoir eu mal. Pendant toute la durée de leur petite dispute je reste silencieux, muet, observant. Ils se connaissent vraiment depuis longtemps, ça se voit par leur manière d’interagir, par à quel point ils sont naturels l’un avec l’autre. Je vais sans doute avoir du mal à m’intégrer dans un tel groupe, mais je ne veux pas rester seul, donc je vais faire de mon mieux.

Élise et Sekir ne semblent cependant pas m’oublier, et ce dernier, après qu’il se soit un peu calmé, reprend la parole.

-Bon, Nils, t’es du coin ?

-Euh non, je viens du petite ville près de Paris, donc pas très loin, mais je suis jamais vraiment venu par ici.

-Ok, du coup tu connais pas la ville ? On va te faire visiter un peu, il fait trop beau pour rester enfermé.

Quelques heures plus tard, j’avais déjà eu l’occasion de faire un petit tour du centre ville de Valiute. Notre immeuble n’est vraiment pas très loin, moins d’une quinzaine de minutes à pied, et même si toute la zone est bien desservie par les bus, métros et tram de la métropole, nous avons, où plutôt Élise a, décidé de rester dans Valiute.

Après ce petit tour d’un centre ville assez classique pour une ville moyenne de province, avec les traditionnels magasins de vêtements, librairies, et divers fast-foods, ainsi que les divers supermarchés locaux, nous avons repris notre marche jusqu’à un assez grand parc situé tout autour d’un lac de taille moyenne, qui recouvre une partie non négligeable de la superficie de la ville.

Après avoir acheté des sodas dans la supérette la plus proche, accompagné d’un paquet de chips, nous nous sommes assis dans l’herbe dans un coin tranquille du parc, un peu éloigné des sentiers, pour profiter du soleil et de la fraîcheur de l’après-midi tranquillement.

Ce petit coin de nature, qui nous fait presque oublié le regard omniprésent des caméras et les bourdonnements sourds des voitures, des drones et de tout les autres appareils électronique constamment autour de nous était vraiment relaxant. On voit quand même assez bien les tours, nombreuses et recouverte de vitres de toute taille, encadrant le parc, et on entend les bruits de la voix rapide passant à une petite centaine de mètres, mais c’est un endroit assez paisible.

Cet après-midi, si particulier, m’a bien aidé à relativiser sur tout les nouveaux aspects magiques de ma vie. Les anges, en tout cas Élise et Sekir, sont plutôt sympa, et se comportent relativement comme des jeunes standards, et personne, et moi le dernier, ne peut se rendre compte facilement qu’ils ont quelque chose en plus, qu’ils appartiennent à un univers différent. Moi aussi maintenant, j’imagine.

Au début, j’étais stressé de me balader en public, alors que je viens à peine de disparaître d’un hôpital en tant que dernier survivant d’une tragédie. Après trois heures à marcher dans les rues sans que quelqu’un ne serait-ce qu’hausse un sourcil dans ma direction, et sans qu’aucune des caméras n’envoient de signal particulier à la police locale, je suis maintenant bien plus détendu.

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L’herbe est si confortable, et je suis un peu fatigué, donc je ne peux m’empêcher de bailler, en écoutant d’une voix distraite une conversation entre les deux Anges m’accompagnant, ce qui ne manque pas de faire réagir Élise.

-Ça va Nils ? T’es un peu fatigué ? On peut rentrer si tu veux.

J’y réfléchit quelques secondes avant de bailler une nouvelle fois, puis lui répond.

-Ouais désolé, je fatigue un petit peu, je crois qu’il faut que je dorme un coup. Mais je vois le chemin, vous êtes pas obligé de m’accompagner.

Sekir me répond immédiatement d’un air toujours aussi amical.

-Il commence à se faire tard de toute façon. Et faut toujours faire gaffe, des démons rodent peut-être dans le coin.

Je souris un petit peu, amusé par sa blague, et nous ramassons rapidement les déchets traînant par terre pour les mettre dans la poubelle la plus proche, avant de rejoindre un sentier qui passe pas très loin de là où nous étions.

Lorsque nous atteignons celui-ci, je suis surpris du nombre de personnes l’arpentant. Il est déjà dix-huit heures passés, et un certain nombre d’employés doivent l’emprunter pour rentrer chez eux, comme en témoigne le grand nombre de costumes, de sacoches et de trentenaires-quarantenaires le traversant.

Ceci-dit, ils ne sont pas seuls, car j’aperçois aussi un petit nombre de personnes plus jeunes, dont une majorité de lycéens, un petit groupe portant encore leurs cartables.

Assise sur un banc, je remarque une fille d’à peu près mon âge qui semble regarder dans ma direction. Elle à des longs cheveux bruns, et je remarque un petit truc, comme une cicatrice ou un petit tatouage, en dessous de son œil gauche. Ses yeux sont fixés sur un point juste à ma droite, mais lorsque je regarde dans cette direction, je ne vois que Sekir, qui lève un sourcil interrogateur vers moi quand il me voit le regarder.

Je lui réponds par un petit sourire, me demandant s’il connaît la fille qui à l’air de le dévisager. Je me retourne, et je réfléchit à la question qu’Élise vient de me poser, que j’ai déjà à moitié oublié. Mes yeux se reposent presque naturellement sur cette fille, et je me dit que quelque chose ne va pas. Elle a une espèce d’aura sombre se refermant lentement mais silencieusement tout autour d’elle. J’ai à peine le temps de cligner les yeux avant que tout ne parte en couille.

Une volée de flèches sombres, presque une dizaine de traits d’une obscurité telle qu’ils déchirent le ciel tout autour d’eux, qu’ils transforment en quelques secondes cette fin de soirée ensoleillé en nuit noire terrifiante. Ils volent dans ma direction, enfin, dans notre direction, une seule semble vraiment se diriger vers moi.

Avant que je n’ai eu le temps de réfléchir, un instinct surhumain me propulse sur le côté, et sans même y penser, je suis déjà hors du trajet de ce dangereux sort. L’adrénaline frappe avec violence, mais mes camarades sont plus rapides.

Sekir m’attrape par le bras lorsqu’il me voit commencer à courir vers celle qui nous a attaqué, et me hurle quelque mots.

-NON ! RECULE, ON NE PEUT RIEN CONTRE EUX LÀ, SUIS-NOUS !

Je vois et j’entends Élise réciter rapidement des mots ressemblant au langage magique, alors que nous commençons à courir dans l’autre sens.

Sekir jette un regard derrière nous, et nous pousse à continuer à avancer en hurlant. Nous quittons le parc, et courons tant que nous le pouvons, le plus loin possible de notre ennemi.

Après ce premier assaut, aucune autre attaque n’a été dirigée contre nous, mais nous ne nous arrêtons pas, et Sekir continue de nous pousser à accélérer, en palissant un peu plus à chaque fois qu’il se retourne.

Une éternité semble se passer pendant que nous courrons, bien plus longtemps que je n’aurais cru pouvoir courir à cette vitesse quand finalement, Élise fait un signe à Sekir et celui-ci m’arrête, avant de se retourner vers notre attaquant.

Un cercle lumineux de quelques mètres de rayon apparaît autour d’Élise, et nous nous réfugions à l’intérieur. La démone, car ce ne peut qu’en être une, est à moins d’une vingtaine de mètres de nous, mais elle ralentit en se rapprochant, se méfiant sans doute de ce que l’on a préparé, et j’espère que ce que mes alliés ont fait sera suffisant pour la vaincre.

Élise stoppe sa litanie, et une vingtaine de flèches lumineuse, bien que plus petite que les flèches sombres, apparaissent autour de nous, toutes dans le cercle.

Elles restent immobiles mais sont toutes rassemblées devant nous, vers la démone. Sekir s’effondre soudainement, tremblant de tout ses membres, et une vision d’horreur se produit sous mes yeux.

Des formes grotesques, gigantesques, apparaissent dans son dos, alors qu’il hurle de douleur, j’hésite à me précipité à ses côtés, mais un claquement sourd me rappelle à la réalité.

Je me retourne pour faire face à la démone, qui marche volontairement dans le cercle de lumière en tranchant tous les traits lumineux à l’aide d’une lame aussi noire que la nuit et que ses précédentes attaques.

La lumière semble fragile, intangible, impuissante face à cette épée de ténèbre qui dévore tout sur son passage. Je suis à moins de trois mètres d’elle, et je recule lentement, terrorisé, pétrifié par le sourire cruel du monstre s’approchant lentement pour me dévorer, me déchiqueter, me massacrer.

Je revois en boucle, dans ma tête, des flash-back du bus. De cet être, cet ennemi, cette magie aussi noire qu’un corbeau. Je revois les visages terrifiés de mes camarades de classe. J’entends une nouvelle fois le cri de mon meilleur ami de toujours, Stefan, résonnant dans mes oreilles. Je vois son regard vide, privé de vie.

Une main me tirant l’épaule me sauve, en me mettant hors de portée du coup dirigé dans ma direction. Je me retourne, prêt à partir en courant à nouveau, et me retrouve face à Sekir. Mais quelque chose à changé. Deux énormes ailes blanches sortent maintenant de son dos, à travers des trous béants dans son t-shirt déchiqueté. Il me prend par le bras, je vois qu’il tient Élise de l’autre, et d’un battement d’aile, nous sommes déjà dans les airs, à prendre de la vitesse et de la hauteur au-dessus de la ville.

Je manque d’air et mon cerveau se vide, incapable de gérer tout ce qui se passe en même temps. En bas, la démone est sorti du cercle lumineux, qui se dissipe rapidement, et elle aussi s’effondre en hurlant de douleur. Je comprends rapidement qu’elle compte s’envoler aussi, et tente d’avertir l’ange, mais je me paralyse en croisant mon propre regard dans le reflet d’une fenêtre d’un gratte-ciel devant lequel nous passons.

Je me rends compte de la hauteur, et même si je n’ai jamais eu spécialement le vertige, la réalisation que je suis en train de voler tenu par le bout du bras d’un jeune de mon âge suffit pour m’arrêter dans mon élan.

Je me rends compte qu’il ne m’entendra pas, et qu’il ne pourra rien y faire, alors je ferme les yeux et prie silencieusement ce dieu qui doit donc exister.

Je sens Sekir manœuvrer, je me sens ballotté dans le vent, mais je n’ouvre les yeux que quand il s’arrête, et me dépose sur le sol.

J’ouvre les yeux et m’immobilise, terrifié.

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