《L'Empire de Cendres》CHAPUTRE 17 : EROL

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« Tu es complètement insensée ! » hurla Erol.

Face au risque de se voir rattraper par des cavaliers, l’archéologue et Suzanne ne marquèrent aucune pause. C’est à bride battue qu’ils traversaient désormais la forêt.

Suzanne galopait en arrière, gardant un œil sur la technomancienne qu’Erol tenait dans ses bras.

« Et si l’arme s’était enrayée ? enchérit Erol avant de la fusiller du regard. Ou pire ! Si les munitions t’avaient sauté au visage ! Ce n’est plus la qualité d’autrefois. »

Mais avant que la jeune femme ne puisse répondre, il s’aperçut qu’ils étaient désormais poursuivis par autre chose que les gardes de Trisstiss. Derrière eux courrait le loup aux yeux blancs.

« Il est avec elle ! » hurla Suzanne pour couvrir le bruit des sabots sur les dalles de béton.

Erol se demanda comment elle pouvait en être sûre, mais préféra se concentrer sur la marche à suivre. Le chemin commençait à transformer de nouveau en une route pavée. C’était une excellente nouvelle, car cela permettra de cacher les traces des chevaux.

Au premier embranchement, il prit la direction du sud là où la forêt devenait plus profonde. Le sentier se changea rapidement en piste qui se perdit parmi les rochers. Au milieu de ces derniers émergea une vieille bâtisse en tôle qu’il désigna de l’index.

« Voilà plusieurs heures que nous galopons sans personne derrière. Il est temps de faire une pause, grimaça-t-il en se dirigeant vers la demeure abandonnée. Nous allons finir par tuer nos destriers. »

Affaibli par la récente course, il manqua de tomber de son cheval. La plaie de son épaule s’était rouverte et saignait de nouveau abondamment.

« Es-tu sûr que nous ne devrions pas continuer ? » s’inquiéta Suzanne.

L’arrivée du loup rendit nerveux les bêtes.

« À deux sur ma monture, si les gardes ou les Paladins avaient voulu nous rattraper, ils l’auraient fait, grogna Erol en reprenant sa respiration. Je crois que tu nous as tous surpris. »

Derrière lui, la jeune femme acquiesça. Il sentit son regard se poser sur son épaule.

« Ta blessure… avons-nous le temps de traiter la plaie avant de repartir ? »

Erol épongea le sang du mieux qu’il put du revers de sa manche gauche. Après avoir fouillé dans ses poches, il goba l’une deux pilules grises de Sileo. Elles endormirent subitement sa douleur. Ce n’était pas le moment de s’évanouir.

Et puis il n’était pas en pire état que le technomancienne.

« Comment va-t-elle ? » demanda-t-il.

Suzanne prit le pouls de la jeune femme. Selon elle, il était faible, mais toujours présent. La technomancienne était cependant gelée.

Avec l’aide de Suzanne, Erol la déposa ensuite sur un matelas crasseux à l’intérieur de la demeure abandonnée.

« Et cet épisode, en plus de dévoiler notre route à l’Inquisition, nous coûte un nouveau fardeau.

— Étais-je aussi un poids pour toi ? demanda Suzanne.

— Tu n’as pas idée ! » mugit-il en s’asseyant.

Il s’appuya maladroitement contre l’une des racines noueuses qui émergeait du sol avant de s’asseoir dans l’herbe noire qui recouvrait l’ancien plancher aujourd’hui disparu. Avec un peu d’eau de sa gourde, il nettoya le visage de la technomancienne. Quand le filet d’eau toucha son front, elle battit doucement des paupières.

Ses joues étaient bouffies par les hématomes. Ses lèvres avaient explosé sous les coups et son nez avait été fracturé à maintes reprises, mais ne saignait pas. Il n’aurait su faire la différence entre ce qui était humain ou mécanique. L’ensemble était néanmoins dans un sale état.

Pauvre femme. Si elle n’est pas encore morte, cela ne devrait pas tarder.

Le loup avait pris place dans l’entrée, face aux chevaux. La bête ne montrait pas de signe d’agressivité.

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Erol se passa alors le reste de l’eau sur son propre visage. Il était si sale que les gouttes qui perlèrent de son menton étaient aussi noires que l’herbe qui les accueillit.

« Ce n’est pas ce que je voulais dire », dit-il enfin.

Suzanne demeura silencieuse, accoudée à l’une des fenêtres.

« Je suis désolé », reprit Erol tandis qu’un courant d’air souleva la poussière des herbes pour recouvrir d’un voile le corps de la technomancienne qui avait toujours les yeux clos.

« C’est ma faute, s’excusa Suzanne. Je nous ai mis en danger tous les deux avec cet acte irréfléchi. J’ai été égoïste.

— Oui. »

Erol s’était difficilement relevé et se rejoignit la fenêtre. Le loup se rapprochait maintenant pour rallier sa maîtresse.

« Mais c’était la meilleure chose à faire, répliqua-t-elle dans un hoquet.

— C’était même la seule chose à faire. Je revois leur tête quand tu as foncé dans le tas… jamais il n’aurait pu prévoir un tel élan de folie », conclut-il.

La fenêtre donnait sur un jardin envahi de mauvaises herbes. Le vent faisait timidement bouger une balançoire qui grinça. Il y avait encore des vêtements blanchis par le soleil sur la corde à linge.

« J’habitais ici autrefois », lança soudainement une voix derrière eux.

Celle-ci était des plus étranges, comme mécanique. Elle était hachée et ponctuée de grésillements. Personne n’aurait pu dire si c’était celle d’un homme ou d’une femme.

Erol et Suzanne se retournèrent alors vers la technomancienne qui se tenait assisse, le dos sur les flancs du loup. Les deux possédaient l’identique regard blanc lumineux.

« Mais j’ai dû partir vers le sud. Car personne ne va jamais vers le sud. Pas même l’Inquisition. »

Aussi incroyable que cela puisse paraître, le son provenait à la fois du loup et de la jeune femme. Erol était incapable de déterminer l’origine exacte.

« Comment vous sentez-vous ? » demanda alors Suzanne en s’approchant du cyborg.

Celle-ci ne semblait pas choquée par un tel spectacle ce qui étonna Erol.

« Les Paladins vous ont laissé de sacrées marques », toussa ce dernier.

Les mots avaient du mal à sortir de sa gorge.

La technomancienne lui sourit. Maintenant plus près d’elle, il put apercevoir que ce qui ressemblait aux traces de coups recouvrant son corps était en grande partie des tatouages. Des nuances de rouge, de bleu, de vert et d’or reproduisaient des schémas complexes similaires à des circuits électroniques. Ils se dessinaient sur la presque totalité de sa peau. Ceux qu’elle possédait sur les épaules, les avant-bras et les cuisses scintillaient désormais. Au contraire, ceux de son bassin et de ses seins avaient été abîmés par des coups de lames et étaient plus ternes.

« Ce fut une épreuve aussi physique que mentale. Nous… je m’en remettrai rapidement, articula l’entité partageant le corps de la jeune femme et celui du loup. Ce n’est pas la première fois que je subis les outrages des hommes. »

Erol ne souhaitait cependant pas s’attarder. D’un moment à l’autre des Paladins pouvaient surgir du couvert des arbres. Mais il avait beaucoup de réponses à obtenir.

« Ils ont brûlé Maître Marian, car c’était un technomancien avéré. Qu’en est-il de vous ? »

Le cyborg parut d’abord surpris. Erol crut l’avoir offensé puis se rendit rapidement compte que son allusion à Marian en était la cause.

« Marian ? Vous le connaissiez ?

— Alors c’était bien lui ? demanda Suzanne en se tournant vers Erol.

— C’était le Fondateur en charge de l’Université. Et aussi mon mentor bien que le mot semble un peu fort. »

Il y eut un silence puis différents grésillements. Le loup, l’air triste, frotta sa tête contre l’épaule de la jeune femme.

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« Ils l’ont attrapé aux portes du bourg alors qu’il arrivait de Renaissance. J’étais venu l’accueillir.

— Vous êtes donc une technomancienne, dit Erol. Savez-vous ce qu’ils espéraient de Marian ? Le Juge-Exécuteur semblait le vouloir vivant quand nous l’avons… croisé à Renaissance.

— La nonne blanche et ses Paladins ne traquaient pas de technomanciens outre mesure. Nous avons été dénoncés. Nous sommes toujours dénoncés. »

Reinor ! Très certainement, pensa Erol.

Le loup se dressa soudainement, les oreilles tournées en direction de la porte. Il resta ainsi immobile quelques secondes. La voix métallique de la technomancienne et de son animal rompit le silence pesant qui s’était installé.

« Ils arrivent.

— Des cavaliers ? s’inquiéta Suzanne. Comment savez-vous ça ? »

Erol aurait aimé posséder de tels pouvoirs à la place de son bras mécanique.

« Eh bien, fichons le camp d’ici ! » dit-il en jetant un coup d’œil à la fenêtre.

Suzanne aidait pendant ce temps le cyborg à se relever.

« Quel est votre nom ? » demanda Suzanne.

La voix de métal provenait cette fois-ci entièrement de son interlocutrice :

« Byte. Je m’appelle Byte.

— Par le sud donc ? s’enquit Erol en passa la porte en direction des montures.

— Oui. Je vous guiderai à travers les tertres. Chez nous. »

Du haut de son destrier, l’archéologue convia Byte à grimper en selle. Celle-ci déclina l’invitation, préférant chevaucher sur son compagnon.

« Comment ça chez vous ?

— Faisons-lui confiance, Erol ! implora Suzanne.

— Nous connaissons le chemin », répondit calmement la voix d’outre-monde de la technomancienne.

Guidés par Byte et son loup, Erol et Suzanne quittèrent la forêt pour une plaine tout aussi sombre. « Guider » n’était cependant pas le terme que l’archéologue aurait choisi, car la technomancienne chevauchait les yeux clos. La bête dirigeait seule la marche.

Le cadavre de l’ancienne autoroute autrefois bien droite zigzaguait désormais entre des collines. Morcelée, la route ressemblait définitivement à la longue mue décomposée d’un serpent.

Le groupe de cavaliers quitta peu après la voie bétonnée et suivi un sentier qui surplombait la vallée dans l’ombre de la montagne. Celui-ci plongea dangereusement ce qui les obligea à poursuivre à allure réduite pour le reste de la journée.

La pleine lune se dressa dans le ciel désormais noir comme l’encre. Le fin voile de cendres ne cachait plus les étoiles ce soir-là.

Le val abritait des milliers de monticules de terre baignés dans le brouillard. Ils faisaient à peu près la taille d’une hutte et étaient constitués de murs de pierre et d’un toit recouvert par la végétation.

« Je n’étais jamais vu par ici. Il y en a véritablement des milliers ! s’exclama Erol.

— Ceux qui sont tombés lors d’une grande bataille des temps jadis. Hommes et machines. Ensemble, répondit Byte.

— C’est extrêmement triste », commenta Suzanne.

Voyant que leur interlocutrice était maintenant prompte au dialogue, Suzanne trépignait. Erol comprenait son impatience, mais celle-ci fut rapidement refroidie quand Byte demanda de nouveau le calme.

Dissimulé par la végétation, l’abri de la technomancienne se résumait à un tertre dont l’archéologue soupçonnait la jeune femme d’en avoir vidé ses occupants.

Le cyborg invita les deux voyageurs à laisser leurs chevaux derrière la tombe voisine. Elle descendit ensuite de son loup. Tandis que l’animal grimpait en haut du monticule de terre pour y monter la garde, elle pénétra chez elle en premier.

Aux yeux d’Erol, la cachette de la technomancienne était des plus incroyables. Partout reposaient des reliques d’un autre âge, soigneusement alignées sur des étagères en bois.

Il reconnut des tablettes tactiles, des terminaux d’ordinateurs, des armes à feu et même un lourd blindage de droïde qui avait été minutieusement dépecé par leur hôte. La plupart semblaient cependant non fonctionnels.

« Ces trésors sont une merveille incroyable ! » s’exclama-t-il en affichant un large sourire en direction de Suzanne.

Cette dernière ne masquait pas non plus son étonnement. À peine à l’intérieur, elle était en train d’admirer un jardin hydroponique suspendu qui occupait le plafond.

« Bon bien sûr pour toi ce n’est qu’un ramassis de vieillerie… » poursuivit l’archéologue.

Mais contre toute attente, ce fut une nouvelle voix féminine qui lui répondit en premier.

« Je suis sur ce point tout à fait d’accord avec vous ! ».

Un fantôme s’était matérialisé au centre de la pièce. La peau rose, et les cheveux blancs coupés au carré, la jeune femme se rapprochèrent d’Erol qui frôla l’arrêt cardiaque.

« Sinon, enchantée », dit ce curieux interlocuteur.

Derrière lui, il entendit Suzanne étouffer un rire. Il se souvint qu’il haïssait les IA pour ce genre de farce. Il n’avait jamais réellement compris leur humour.

« Jinko, ce n’est pas le temps d’importuner nos visiteurs », le réprimanda Byte d’une voix plus humaine.

C’était comme si la voix métallique du cyborg venait de se dissocier.

L’hologramme de Jinko se volatilisa, mais ses caquetages incessants raisonnaient toujours dans le tertre :

« Mes capteurs m’indiquent que ton état de santé est plus que critique, mon amour.

— Ça ira, répondit Byte en enveloppant ses plaies du même ruban adhésif vert qu’Erol utilisait en expédition. On regardera ça plus tard. »

Pendant ce temps, la dénommée Jinko leur avait chacun apporté un thé à l’aide de paires de bras mécaniques qui tombaient du plafond. Erol le refusa et l’IA le réprimanda :

« Buvez. Ce sera mieux que les pilules d’amphétamines que vous ingurgitez à tout va. »

Penaud, Erol saisit alors la tasse.

« Comment savez-vous ?

— Mon pauvre ami. Même notre loup n’a pas autant de tics. »

Son hologramme apparu de nouveau à quelques centimètres de Suzanne. La jeune femme resta de marbre. Erol comprit que l’IA n’allait de toute évidence pas tarder à compromettre l’identité de ses hôtes. Elles étaient bien plus intelligentes et perspicaces que le commun des mortels. Mais celui-ci changea aussitôt de sujet.

« Byte ? Je me dois de te signaler que ma pile nucléaire n’est qu’à 3 % depuis 6,31 mois. Outre nos serveurs, elle alimente aussi la ferme. C’est critique.

— Vous avez une batterie nucléaire encore en état de marche ? s’étonna Erol, satisfait que la conversation se détourne de Suzanne.

— Pourquoi ? Monsieur l’archéologue compte nous le dérober ? le nargua Byte. Je pense que nous devrions plutôt rapidement aborder le cas de Marian… »

Mais sa voix s’évanouit. Les pansements de la jeune femme se gorgèrent de sang et elle perdit soudainement l’équilibre. Erol fut moins prompt que les appendices bioniques de Jinko qui l’avaient déjà saisi en vol.

« Je crois que mon épouse a besoin de repos. Que diriez-vous de profiter de la tiédeur de notre foyer pour vous détendre et manger à votre guise ? »

Il leur tendit des sachets de nourriture déshydratée de son dernier bras valide. Erol en empoigna un et recula jusqu’à un fauteuil.

« Tout va bien ? s’inquiéta Suzanne.

— Rien que je ne puisse réparer. »

Jusqu’ici fixées au mur, des étagères pivotèrent et Jinko emmena Byte dans une seconde pièce.

« Est-ce qu’il a dit « ma femme » ? chuchota Erol.

— Gardons les yeux ouverts, je n’aime pas ce qui se trame ici. Je ne voulais pas te faire paniquer, mais de ce que m’annonce mon implant, l’IA vient de verrouiller la totalité des sorties. »

L’archéologue inspecta de longues minutes la porte et l’unique hublot donnant vers l’extérieur. Ils avaient bien été tous deux barricadés et il avait été impossible de les forcer malgré plusieurs tentatives.

« Et elle m’a appelé « archéologue ». Je pense que nous sommes démasqués. »

Le couloir menant à la retraite de Byte avait aussi été scellé. Ce fut quand il essaya de la forcer à l’aide de son épée que Jinko le surprit en se matérialisant allongée sur le linteau.

« Monsieur Feuerhammer. Vous êtes bien impoli. »

Erol jura et la porte s’ouvrit.

« Entrez, donc. Byte vous attend ».

Cette nouvelle pièce était bercée par la lumière artificielle provenant des nombreux écrans d’ordinateur qui recouvraient les murs. Des consoles et des câbles étaient répandus sur le sol dans un enchevêtrement chaotique. Tout au fond, deux piscines faisaient miroiter leur reflet au plafond. Ils y trouvèrent Byte, flottant dans un liquide indigo translucide à la douce odeur.

« Qu’est-ce que… »

L’effluve inconnu lui chatouilla le nez et manqua de faire éternuer l’archéologue.

« Ça sent la fraise », lui répondit Suzanne.

Sur la tête de la jeune femme était vissée une couronne d’où partait un ensemble de câbles et de tubes remontant à une imposante armoire électrique. La plus grosse qu’Erol n’a jamais rencontrée. Elle prenait bien tout le fond de la pièce.

« Qu’est-ce que c’est que ça ? demanda Erol.

— Certains implants permettent de recevoir et de transmettre des informations grâce au cyberespace, répondit Suzanne. Ce système, si je ne me trompe pas, offre l’opportunité de parcourir plus facilement le monde numérique. Comme si nous étions dans l’ordinateur, mais sans les modules nécessaires.

— Exactement valida Jinko. Voyez ça comme de la réalité virtuelle, mais eu sein même du réseau. Vous pouvez manipuler l’information et voyager avec elle. On ne navigue plus sur internet, mais dans internet. »

Le fluide indigo bouillonna comme parcouru par un courant électrique.

« Le bain permet de relaxer le corps et l’esprit. Il n’y avait pas de circuits à injections apaisantes sur les premiers modèles. Le cyberespace peut être très éprouvant avec cette méthode. Il est plus simple d’avoir un module intraneuronal spécifique, mais on n’en trouve plus… » compléta Jinko.

Le cyborg émit un gémissement et Erol sursauta. La pâle lueur bleutée qui émanait des écrans devint jaune puis beige. Sur le moniteur principal se dessinait une carte avec de trop nombreuses indications pour qu’Erol puisse les décrypter. Des chiffres, des lettres et des symboles dansaient et clignotaient. Cela lui rappelait le bureau de Marian, là où tous ses ennuis avaient commencé.

Puis le visage d’un homme apparut. Son front et ses joues étaient recouverts d’implant et ses yeux violets n’avaient plus rien d’humain. Derrière lui, Suzanne sursauta.

Le profil de l’IA s’effaça pour laisser émerger les plans d’une immense forteresse. Il y figurait aussi le symbole de l’Inquisition. Suzanne avait raison. Les traits blancs du schéma se dessinaient à l’infini jusqu’à former un visage. C’était celui de Marian. Puis apparut le sien.

Les écrans affichèrent ensuite le bureau principal d’un terminal et Byte jaillit du liquide à l’odeur de fraise.

« À quoi jouez-vous Byte ? demanda Erol.

— Je n’avais aucune raison de vous faire confiance, je vérifiai les informations que j’avais sur vous, leur confia la technomancienne.

— Nous vous avons sauvé la vie, intervint Suzanne.

— Marian m’a toujours dit de ne croire en personne. Lui aussi ne croyait en personne. Sauf en vous, Feuerhammer ! Et regardez où cela l’a mené. »

De nouveaux bras mécaniques de Jinko descendirent du plafond. Des doigts en caoutchouc se déplièrent et massèrent les épaules de la jeune femme qui préféra tout simplement retirer les membres endoloris de son buste.

« Vous n’avez pas la moindre idée de ce que vous avez mis en mouvement. Vous avez précipité des événements que nous avions passé des années à préparer. »

Le corps sans bras s’extirpa de la piscine.

« Que voulez-vous dire ? » demanda Erol.

Sans quitter des yeux Suzanne, Byte prit la direction des écrans d’ordinateur. Sur ces derniers se dessinèrent des lignes de codes et de calculs.

« Vous n’êtes décidément pas très malin, Feuerhammer.

— Cette jeune femme possède un implant neuronal. Un ajout neuronique avec une date d’activation précédant la catastrophe », poursuivit Jinko.

La date en question s’affichait maintenant sur le moniteur principal de la pièce qui surplombait les deux piscines.

« Et immatriculée, non commercialement, au même complexe que le Josias », continua Byte en se rapprochant de l’écran.

Les membres mécaniques de Jinko venaient de lui apporter de nouveaux bras, équipés de récentes prothèses qu’elle utilisa pour pianoter à la vitesse la lumière sur le clavier de son ordinateur.

« Cela signifie deux choses », conclut Jinko avant que Byte ne la complète :

« La première est d’ordre purement factuel : Maev et ses sbires peuvent vous suivre à la trace. Nous savons qu’elle a accès à la technologie pour le faire. Nous avons déjà eu affaire à cette nonne aux yeux miroirs. »

Du bout de ses seize doigts, elle tapota sur la liste de chiffres.

« Impossible, mon réseau est coupé je ne capte plus rien, ajouta Suzanne en se massant la tempe.

— On vous isole. C’est un indice supplémentaire indiquant qu’ils sont sur votre piste. »

L’un des bras robotiques vint alors saisir le crâne du Suzanne. Erol s’interposa, mais Jinko la relâcha aussitôt.

« Qu’est-ce que vous faites ? hurla Erol.

— Ce n’est rien, le rassura Suzanne. Il vient de régler la situation. J’ai de nouveau accès… accès à tout. »

Elle resta un moment immobile, l’esprit ailleurs.

« La seconde chose est plus spéculative », poursuivit Jinko tandis qu’Erol avait saisi la main de Suzanne.

La technomancienne reprit alors d’une voix des plus calme :

« Suzanne ? Erol ? Que savez-vous du complexe secret sous le Dammastock ?

— Moi je sais juste que je l’ai fait partir en fumée, répondit l’archéologue en se souvenant du gigantesque incendie.

— J’ai essayé il y a quelques jours d’avoir accès aux données du centre, mais il n’y a rien d’intéressant sur lui sur le web, expliqua Suzanne. Rien sur les fusées Josias si c’est de cela dont vous voulez toutes les deux parler ?

— À juste titre », reprit Byte

Jinko venait de lui rapporter l’étrange couronne de câbles.

« Suzanne ? Thomas S. Lionheardt vous dit quelque chose ?

— Que connaissez-vous sur Tom ? demanda Suzanne qui haussa le ton. Savez-vous où il est ? »

Byte sourit.

« Ce que je sais ? Raconte-lui Jinko. »

La technomancienne retourna dans le bassin, ajustant manuellement la couronne sur sa tête.

« En es-tu sûr ? répondit l’IA. Je détecte des liens émotionnels assez puissants. »

Le silence s’installa. Pendant ce temps, la machine hésitait toujours.

« Dis-lui », répéta Byte.

Leur hôte actionna plusieurs leviers et une autre couronne tomba du plafond. La seconde piscine indigo émit des bulles et des dizaines de ventilateurs se mirent en marche.

Le visage rose de Jinko apparu alors sur les écrans d’ordinateur.

« Suzanne. Il y a mille ans, Thomas S. Lionheardt a été le responsable de l’éradication de douze milliards d’êtres humains. »

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